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3 mai en RDC : Une presse debout dans l’ombre de la guerre et de la censure



En ce 3 mai, Journée mondiale de la liberté de la presse, les journalistes congolais, particulièrement ceux de l’est de la RDC -République démocratique du Congo-, n’ont guère le cœur à la fête. Entre l’enclume de la guerre d’agression rwandaise et le marteau d’une censure imposée par le CSAC -Conseil Supérieur de l’Audiovisuel et de la Communication-, l’exercice du métier devient un acte de résistance.

À Rutshuru, Nyiragongo, Masisi, Lubero, Goma ou encore Bukavu, les rédactions sont souvent improvisées dans des maisons déplacées ou réduites à peau de chagrin. La menace plane autant dans les airs que dans les mots : drones armés, frappes, occupation de territoires, mais aussi injonctions administratives, suspensions de médias, interdiction de sujets dits "sensibles". Dans un contexte où les populations attendent des repères fiables, les journalistes se retrouvent muselés, surveillés, parfois traqués.

Le 22 avril 2024, le CSAC a ordonné la suspension de plusieurs médias pour leur couverture de la crise sécuritaire, accusés de "porter atteinte à la cohésion nationale". Une formulation vague, qui ouvre la voie à une censure sans garde-fous. Ce climat d’hostilité étatique envers les voix critiques met à mal le rôle fondamental de la presse comme chien de garde de la démocratie.

Pourtant, ils tiennent. Malgré les intimidations, malgré les enlèvements, malgré l’autocensure parfois forcée, les journalistes de l’est du Congo-Kinshasa continuent d’informer, d’interroger, de dénoncer. Ils s’inventent des chemins dans le silence imposé. Ils donnent la parole aux sans-voix, documentent les souffrances, et rappellent que la vérité est souvent le premier pas vers la justice.

La RDC peut-elle encore parler de liberté de la presse ? Sur le papier, oui. La Constitution le garantit. Mais dans les faits, cette liberté est aujourd’hui relative, conditionnelle, menacée. Tant que la guerre se poursuivra et que les autorités confondront régulation et répression, cette liberté ne sera qu’un mirage.

En ce 3 mai, il ne s’agit pas seulement de célébrer les médias. Il s’agit de rappeler que sans presse libre, il n’y a ni démocratie véritable, ni paix durable. Le combat pour l’information juste et indépendante est aujourd’hui un combat pour la survie même de la République.

 Prehoub Urprus

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