La RDC s’enfonce de plus en plus dans une partie de poker aux relents aussi dangereux que criminels
La RDC s’enfonce de plus en plus dans une partie de poker aux relents aussi dangereux que criminels.
La majorité kabiliste pensait disposer de solides atouts dans sa manche pour s’accrocher indéfiniment au pouvoir. L’atout le plus évident était la modification de la Constitution tentée en janvier 2015 avec les conséquences que l’on sait. Les manifestations populaires spontanées ont démontré que le peuple ne voulait pas de ce changement. La répression fut terrible et déboucha sur plusieurs dizaines (voire plus) de morts.
Après avoir réussi à passer le cap de décembre 2016, puis 2017, Joseph Kabila pensait avoit fait le plus dur. Un scénario déjà mis à mal par la communauté internationale, l’opposition et le peuple congolais. La Ceni a donc été contrainte de sortir un calendrier électoral crédible qui prévoit un passage par les urnes le 23 décembre 2018. Un consensus international s’est dégagé sur ce calendrier mais cette fois, plus question d’y couper. Il faudra passer par les urnes.
Les atouts disparaissent
La Kabilie disposait encore de beaux atouts pour rester au pouvoir au nez et à la barbe du monde entier. Il y avait le scénario « à la Poutine ». Kabila proposait à Gizenga de soutenir sa candidature à la présidentielle. Le président sortant se contentant de la présidence du Sénat… qui lui permettait de revenir au pouvoir en cas de défaillance d’un président qui aurait eu 93 ans. Hélas, le patriarche, aujourd’hui en soins à Bruxelles, ne faisait plus un candidat crédible vu son état de santé. Même Kabila devait le constater.
Caramba, encore raté
Pas de souci, il y avait encore la vieille piste de la division de l’opposition. Félix Tshisekedi était le « nouvel ami » tout désigné pour ce scénario. Le nouveau patron de l’UDPS s’installait à la primature et nommait un des siens à la tête du CNSA, comme le prévoit l’accord de la saint Sylvestre. Cette mise en place allait prendre du temps et les nouveaux venus, avides de « bouffer » le plus longtemps possible, s’organisaient pour reporter de deux ans le scrutin présidentiel. La Kabilie pouvait ainsi organiser entre temps des législatives qui lui conféraient une majorité confortable au Parlement… La nouvelle équipe révisait a constitution et JK s’installait à vie sur son trône de Kinshasa.
On sait depuis mardi dernier, et la prise de position de Félix Tshisekedi, que c’est encore raté. Les atouts filent entre les doigts d’une majorité qui a très mal vécu ce rassemblement de l’UDPS à Ste Thérèse.
A chaque fois, dans chaque scénario, Kabila retirait les marrons du feu sans s’exposer.
« C’est ce qu’il recherche absolument », confie un membre de la majorité. « Il faut qu’il puisse rester mais que la faute incombe aux autres. Cette fois, dans le nouveau plan, ce sont les députés qui sont mis à contribution ».
En effet, reste le plan qui se dessine aujourd’hui. Interdire le vote de la loi sur la répartition des sièges. Selon plusieurs sources, instruction vient d’être donnée aux députés de créer « les conditions du désordre » afin de remettre en question le travail de la CENI, contester les sièges dévolus aux circonscriptions et ne pas adopter le texte déposé dans le délai imparti fixé au plus tard au 15 juin prochain. Ainsi, « faute de loi sur la répartition des sièges, personne ne sera en mesure de déposer les candidatures », confirment deux élus. Kabila et Nangaa ne pourront que constater la situation.
Un seul responsable
Il faudra alors retourner vers la Ceni pour qu’elle concocte un nouveau calendrier, les élections seront une fois de plus reportées… « mais sans que jamais la responsabilité de Kabila ou de Nangaa soit engagée. Les députes sont sous pression. On sait que le calcul de Kabila est très simple. Vous êtes mes députés, si vous allez aux élections demain sans ma machine à tricher, vous avez toutes les chances d’être battus. Vous dépendez donc de moi, vous êtes grassement payés pour ce que vous faites et vous obéissez. » Pression maximale sur des députés !
Sauf que la communauté internationale, les pays voisins, le peuple congolais, eux, exigent un scrutin pour le 23 décembre prochain. Si les députés ne parviennent pas à s’entendre sur la représentation des circonscriptions, l’élection présidentielle, elle, pourrait très bien avoir lieu. Ici, on ne parle que d’une seule circonscription nationale. Mais ni Nangaa, ni Kabila n’envisagent ce scénario.
« Personne ne sera dupe. Si la loi sur la répartition des sièges est remise en cause, ce sera par la faute exclusive des élus de la majorité et personne n’ignore qu’ils sont aux ordres de Kabila », explique un ancien député « bien content de ne plus subir ces pressions. L’ unique instigateur de ce sabotage s’appelle Joseph Kabila. Mais ce sont les députés qui se retrouveront en première ligne et s’ils veulent être réélus, ils devront retourner devant leurs électeurs en ayant saboté les élections. Ils sont finis ».
De quoi donner des arguments aux diplomates qui veulent, en cas de non-respect du calendrier électoral, intensifier la pression sur le pouvoir kabiliste, notamment en sortant de nouvelles sanctions contre des proches du président.
Hubert Leclercq
Dépêches
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