Pendant l’Euro, des Congolais soutiennent avec ferveur la Belgique. Motif : l’ex-force coloniale aligne plusieurs footballeurs originaires de la République démocratique du Congo. D’autres fans de ballon rond, eux, estiment qu’ils ne sont pas de vrais Congolais. Norbert Masesa a chaussé les crampons huit ans en Belgique, avant de rentrer au pays. Aujourd’hui retraité, ce mordu de football suit l’Euro 2016 avec appétit. Et aucune hésitation sur son équipe fétiche : « La Belgique, c’est ma deuxième patrie parce que j’ai joué là-bas. Je me considère comme Belge ». La motivation de l’ancien sociétaire des clubs Alost et Saint-Nicolas tient aussi à la sélection du royaume qui, sur 23 footballeurs, aligne cinq joueurs originaires de la République démocratique du Congo.

Norbert Masesa n’est pas une exception. « Je suis tombé amoureux des joueurs belges depuis un certain temps, donc du coup j'encourage leur équipe », confie Eddy, spécialiste en communication. « On a une histoire commune avec la Belgique, insiste Gautier, assis avec des amis à une terrasse. Dans l’équipe belge, il y a des Congolais, nous les considérons comme des frères. » Histoire commune, car la Belgique a colonisé le Congo entre 1908 et 1960. Une période marquée par de graves exactions.

« La Belgique offre plus de chances aux Congolais de réussir que nous-mêmes au pays »

Alors que certains évoquent cette page sombre pour justifier leur rejet des Diables rouges, Innocent, lui, se sent redevable. « Mon père était chauffeur à l’ambassade de Belgique, alors j’ai étudié avec l’argent de la Belgique... » Eddy juge pour sa part que, sans tout pardonner, il faut « avancer ». « La Belgique offre plus de chances aux Congolais de réussir que nous-mêmes ici au pays – et sans distinction de couleur, de race. Nos relations avec la Belgique, c’est comme un couple divorcé mais qui a fait des enfants. »

Des enfants divisés. Terence, cadre dans l’Est congolais, a vécu en Belgique et garde en héritage un « petit sentiment d’appartenance » question football, mais « ça s’arrête là ». Quant à Marie*, installée aux Etats-Unis, elle se montre glaciale. « Moi, je soutiens l'Allemagne, la Suisse, l'Italie. Pas la Belgique. Je ne me sens pas particulièrement proche de l'équipe belge, ni des Belges d'origine congolaise. Je suis le foot pour la qualité du jeu, et les beaux joueurs. Donc, la Belgique, rien… »

Un peu une deuxième équipe nationale pour la RDC

Surtout, Marie considère que les joueurs sélectionnés pour l’Euro – qui s’achève le 10 juillet en France, pays organisateur – ne sont pas de vrais Congolais. « Certains de ces joueurs en Belgique n'ont pas connu ni vécu au Congo. Ils n'ont de Congolais que l'origine. Le jour où les intérêts du pays sont en jeu, ils sont Belges, et moi je suis Congolaise. » Alors pas d’émotion lorsque le Onze belge s’est incliné le 13 juin contre l’Italie (0-2), ou a battu le 18 juin l’Irlande (3-0), notamment grâce au doublé de Romelu Lukaku.

Carine, cadre dans une société de télécommunications, est quant à elle « triste » que Romelu Lukaku, Christian Benteke, Michy Batshuayi, Christian Kabasele et Jordan Lukaku n’aient « pas pu ou voulu servir » leur pays d’origine. Nina, qui soutient la France et l'Allemagne, estime qu’au contraire c’est un peu comme si, en plus des Léopards, la RDC avait une deuxième équipe nationale. « Peu importe leur nationalité, ils représentent le drapeau congolais d'une manière ou d'une autre ! »

Patrick, fonctionnaire dans un ministère, les considère aussi comme des Congolais à part entière et même comme des ambassadeurs de la RDC. « Les Congolais qui jouent en Belgique ont élevé le jeu, pendant que notre équipe nationale est en train de se refaire. Moi, je suis fier de voir un Congolais bien se débrouiller. Et les voir évoluer et exceller dans leur discipline, c'est vraiment le pied ! » Mais pour Nina, la fête est un peu gâchée. « Je peine à suivre l'Euro à cause des problèmes d’électricité ! ».

* le prénom a été changé

Habibou Bangré