Samedi, Mai 18, 2024

L’exposition Beauté Congo côté photo

La magistrale exposition « Beauté Congo » qui ouvre ses portes le 11 juillet à la Fondation Cartier, à Paris, comprend des dizaines d’œuvres puissantes. De la peinture mais aussi des photos. La rétrospective n’oublie pas ce versant de la création artistique de l’ex-Zaïre, des précurseurs aux contemporains. On y croise notamment des portraits en noir et blanc du musicien Franco et de jeunes des années 1970 habillés en Billy the Kid...

sous-sol de la Fondation Cartier, les précurseurs de l’art contemporain de l’actuelle République démocratique du Congo (RDC) règnent en maître. Se répondent, sur les murs, des œuvres évocatrices de l’univers des années 1950 et 1960 à Kinshasa - à l'époque de Mobutu. Les photos de Jean Depara (1928-1997), « reporter de l’extravagance des fêtes et des nuits kinoises », indique la Fondation Cartier, montre des scènes de rue ainsi légendées : « femmes en tenue de soirée », « belles de nuit » et autres « embrassades » fougueuses. Sans oublier Franco, le roi de la rumba et de l’OK Jazz, à la guitare, et un Bill de Léopoldvilleimmortalisé en 1958, qui témoigne du goût ancien et prononcé des Congolais pour l’art vestimentaire inspiré à l’époque du western. De ces clichés émane toute une dolce vitapropre à Kinshasa, cette ville tentaculaire qui cultive toujours l’art d’échapper à sa propre misère, à coups de bière Primus et de musique légère.

Un autre grand photographe, Ambroise Ngaimoko, d’origine angolaise comme Depara, est quant à lui connu pour son Studio 3Z, ouvert en 1971 à Kinshasa. Un lieu qui lui a permis de mettre en scène des portraits posés, conçus pour être des photos-souvenirs de jeunes Kinois, athlètes ou dandies, auxquels il fournit des accessoires et un décor. Il se concentre sur le monde de la Société des ambianceurs et des personnes élégantes (SAPE), et immortalise des scènes sous des légendes d’anthologie, comme par exemple Euphorie de deux jeunes gens qui se retrouvent, sous le cliché pris en 1972 de deux jeunes compères, bras-dessus bras-dessous, cigarettes au bec et pantalons pattes d’éléphant.

Enfin, on trouve des tirages moins connus d’Oscar Memba Feitas, reporter pour l’hebdomadaire Zaïre et les quotidiens Le Progrès et l’Etoile du Congo, faits autour d’un événement resté dans les annales : le combat de boxe légendaire du 30 octobre 1974 à Kinshasa, entre les Américains Mohamed Ali et George Foreman, un événement pour lequel James Brown (1933-2006), le « parrain de la soul », avait lui aussi fait le déplacement.

La photo au service de l’imaginaire

Au rez-de-chaussée, dans la partie contemporaine de l’exposition, les œuvres de deux photographes actuels, dont la cote ne cesse de monter, répondent à des peintures puissantes. Ils puisent plus dans l’imaginaire que dans la réalité, s’intéressant d’abord et avant tout aux perceptions. Sammy Baloji, né en 1978 à Lubumbashi, revisite ainsi le passé colonial avec ses découpages de vieilles photos « ethnographiques » de Congolais, prises lors d’une mission belge, qu’il s’amuse à coller sur fond de toiles de Léon Dardenne (1865-1912). Ce peintre belge avait participé à la Mission scientifique du Katanga, menée par la puissance coloniale belge de 1898 à 1900, pour produire une documentation graphique qui se voulait objective autour du Congo, alors propriété privée du roi Léopold II. Sammy Baloji remet en question, sans plus de commentaires, ce regard colonial qui a tant de mal à s’effacer des consciences européennes.

Quant à Kiripi Katembo Siku, photographe et vidéaste de 36 ans, il propose de regarder Kinshasa à travers ses flaques d’eau – et pas seulement pour constater qu’il n’y a pas de système d’écoulement des eaux de pluie… Au-delà du désenchantement, parfois manifeste dans les légendes de ses photos (« Subir », « Tenir », « Errer »), il propose avec ses reflets de la ville un regard onirique et rempli de poésie. Sur ses compositions savamment cadrées et conçues comme des tableaux, une bouteille en plastique flotte au dessus de la circulation. Des pierres jaillissent sur la façade d’un building, tandis qu’un quartier se reflète, imperturbable, dans sa propre inondation, sous la légende « Rester ».

Dans la continuité des précurseurs, ces jeunes talents restent fascinés par le quotidien éminemment urbain de « leur » Congo, apportant leur touche personnelle et leurs réflexions autour de ce qu’il est convenu d’appeler des « clichés ».

Sabine Sessou

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